On my way

feat @Alecto J. Hansen

Tu ne sais pas ce qui t'as pris ce jour-là. C'était une énième rentrée, un énième jour où tu te devais de faire acte de présence, surveillant le balais des élèves et des professeurs avec cette expression fixe sur le visage. Pas d'énervement ou de dégoût, juste un calme que beaucoup prenait pour de la pédanterie. Et puis tes yeux étaient tombés sur elle et depuis, les choses ne vont plus comme à l'accoutumé.

Ça fait plusieurs jours que tu as l'impression de parfois perdre pied dans tes pensées. Tu donnes tes cours avec toujours la même sévérité, comme si rien n'avait d'emprise sur toi, et pourtant le soir venu, tu t'enfermes dans tes appartements pour faire les cent pas. Tu ne sais pas si ta sœur s'est rendue compte de ce qui ne va pas en toi, mais tu la fuis pour ne pas lui mettre la puce à l'oreille. C'est ton problème, et comme toujours tu veux le régler seul.

Aussi, quand au cinquième jour après la rentrée, tu décides de tester ce qu'il y a en toi, en allant droit vers la bibliothèque, tu t'es presque persuadé que tu t'étais complètement monté la tête. Tu entres par la lourde porte de cet endroit que tu as appris à aimer et respecter avec les années et sa voix te parvient tout à coup. Tu te figes, Phaos. Tes yeux la cherchent alors que tu enfermes tout rebondissement de chaleur en toi. Tu la laisses se débrouiller avant de faire un pas vers elle, visage lisse, yeux perçant. Et pourtant, quand la pile oscille dangereusement, tu bouges si vite que tu ne te vois même pas le faire.

« Attention à vous, nous ne voudrions pas perdre notre bibliothécaire si tôt dans l'année. »

Ta voix est douce, même si aucune chaleur ne transperce sur ton visage. Tu viens récupérer une grosse partie de la pile de livres branlante et tu la déposes sur la table avant de te tourner vers elle, et la scruter, quelques instants.

« Le début d'année requiert toujours un gros travail pour la personne en charge de cet endroit. Si vous en ressentez le besoin, soyez libre de demander de l'aide... Alecto. »

Tu lui rappelles calmement, en sentant au fond de toi l'envie de lui venir en aide, de prendre du temps sur ton emploi du temps pour rester un peu avec elle en cet endroit. A un tel point que tu oublies de continuer de parler.

On my way

feat @Alecto J. Hansen

Tu voulais te prouver que tu ne ressentais rien, que cet étrange élancement à la fois douloureux et brulant n'était qu'une création de ton esprit et... c'est loupé. Il est bien là, logé que milieu de ton torse, dérangeant et ennervant, comme lorsqu'un moustique vous pique tout à coup la peau. Tu ne peux pourtant pas grater ou bouger pour t'en débarasser Phaos. Tout ce que tu fais, là, en la découvrant dans son royaume, c'est voler à sa rescousse et lui proposer de l'aide comme si... tu faisais ça tout le temps.

Alors soyons sérieux deux minutes, Phaos. Tu n'es pas quelqu'un de mauvais et quiconque te demandera de l'aide en trouvera certainement après un long regard jugeant et glacial. Mais là, c'est toi qui vient vers elle, toi qui lui fait cette offre et toi qui, ensuite, reste figé à l'observer. Qu'est-ce que tu peux dire de cette petite femme ? Elle a l'âge que tu avais quand la vie éternelle est devenue tienne. Elle est probablement jolie. Elle a l'air intelligente. Cela suffit-il à t'adoucir, normalement ? Non.

« Aucun souci, je n'ai pas prévenu que je comptais passer non plus. Tu lui réponds avec ce ton calme, imperturbable. Il y a l'air d'être passé une tempête par ici. »

C'est tout ce que tu trouves à dire alors que tu détournes tes yeux d'elle pour observer le joyeux bazar des environs. Les livres s'étalent sur des tables, en piles. Et si le désordre te tend nerveusement, tu y vois une certaine logique qui te retient de bouger pour ranger toi-même tout ce qu'il y a aux alentours. De toute façon, avant de craquer, sa voix te rappelle à elle et tu sembles la redécouvrir encore une fois. La sensation te brûle...

« Phaos. Tu commences par la corriger, en découvrant pour la première fois que le mot "Monsieur" te dérange énormément dans la bouche de quelqu'un. Je venais voir si les manuels de Langue des Anges pour les 7ème années étaient en nombre suffisant. Un de mes étudiants a eu l'audace de me dire qu'il en manquait, j'aimerais lui prouver le contraire. »

Et pour la première fois un sourire glisse sur tes lèvres. Ténu et contrôlé, au bord de tes lèvres, tu laisses entrevoir le plaisir que tu as à prouver à un élève son erreur et ton assurance quant à tout ce qui concerne l'organisation de cette école.

On my way

feat @Alecto J. Hansen

Tu sais combien ta présence écrase celle des autres. Habituellement, c'est quelque chose que tu prends un malin plaisir à ressentir et utiliser à ton avantage. Tu as vécu de nombreuses vies humaines, tu t'es persuadé avoir le droit, l'ancienneté et la sagesse pour en user. Cette fois-ci, pourtant, tu recules d'un pas en voyant la réaction de la jeune femme à ta remarque sur le désordre des lieux. Un instant, très court, tu entrouvres les lèvres pour t'excuser ou la rassurer, tu ne sais pas bien, mais tu t'arrêtes. La froideur de neige de Gabriel t'effleure, comme un rappel à l'ordre et tu ne fais qu'hocher la tête.

« Je n'en doute pas. La rentrée est une période particulière pour cette école, et pour votre travail également. Tant que vous vous y retrouvez, et que tous mes élèves ont leurs affaires, je n'ai rien à en redire. »

C'est le mieux que tu puisses faire pour le moment. Tu finis par simplement ramener tes yeux à elle, et tu lui évoques les raisons de ta venue. Franchement, si un instant tu crains qu'elle se soit perdue sous la tâche énorme de son travail, quand elle réagit à ta demande, tu vois clairement son aisance. Dans ce bazar, elle trouve son orientation sans douter et finalement, elle te montre les livres et vérifie sa liste.

« Bien. Y a-t-il un Rafael Gunroad sur votre liste de livre qui attende leur propriétaire ? Tu lui demandes, sans venir vérifier toi-même, comme une marque de respect de son travail. Ca ne fait pas beaucoup de livre d'avance ceci dit. Je vais voir avec les éditeurs pour avoir quelques manuels de plus. Y a-t-il d'autres matières qui ont peut de stock d'avance ? »

Tes yeux glissent sur les tables, que tu observes en repérant de ci et de là des noms de livres que tu connais et que tu peux lire. Et finalement, après avoir faire un tour d'environ des lieux, tu comprends son organisation. Ce n'est pas ta manière de faire, mais tu y trouves de l'ordre et un sourire doux fleurit sur tes lèvres :

« Oubliez ma remarque sur votre bibliothèque, je vois que vous vous en sortez à merveille. Et tu finis par rajouter, en l'observant à nouveau, ce sourire toujours présent. Comment se passe votre prise de poste ici ? Vous n'êtes pas trop perdue ? »

On my way

feat @Alecto J. Hansen

C'est sans hésiter que tu la suis à travers les tables de livres et que tu lui laisses le temps qu'il faut pour t'apporter une réponse. Comme tu le sentais venir, Phaos, parce que rien n'est censé t'échapper dans cette école, sa réponse est celle que tu attendais et pendant un instant, un éclat presque de feu passe dans tes yeux bleus. Tu ne bouges pas, avant de finalement relâcher doucement ton souffle :

« Je lui ferai savoir que malgré ce qu'il croit savoir, son livre l'attend toujours ici, alors. Merci Alecto pour votre réponse rapide et concise. »

Ce qu'elle ne sait pas, n'imagine peut-être pas, c'est que cet élève qui a eu le culos de te mentir risque de ne pas vivre de très bons jours d'école à tes côtés pour les deux prochaines semaines minimum. Tu es intransigeant, Phaos, mais surtout tu détestes plus que tout le mensonge que tu considères comme la pire manière de se salir soi-même. Ceci dit, tu n'en dis rien et avec une certaine curiosité, tu lui emboites le pas, alors qu'elle retourne à son travail.

« En effet, je veux bien une liste. Ca nous permettra d'être prêt pour l'année prochain et même en cours d'années si jamais... et bien, des élèves perdaient ou abîmaient leurs biens. »

Au ton de ta voix, on peut sentir que c'est une idée qui ne te plait pas du tout, mais que tu as tout de même appris à cotoyer parce que les jeunes gens sont idiots et peu précautionneux. Sans un mot, tu te mets légèrement en retrait et pendant ce qui te semble quelques minutes, tu l'observes juste faire, avec cette pulsation dérangeante au fond de ton torse, quand tu relances la conversation sur sa présence ici. Cela rappelle ses yeux sur toi et son sourire t'adoucit, sans que tu ne le vois venir.

« Vous avez fait sept ans d'études, j'imagine ? Tes yeux glissent sur son visage, alors que tu continues de la détailler. La bibliothéque semblait un bon poste pour vous, selon le conseil. Dharana ou Aksa ? »

Tu n'as pas relu son CV. En fait, depuis l'avoir brièvement apperçu le jour de la rentrée, tu as tenu cette femme et qui elle était au plus loin de toi, de peur de te faire aspirer par elle et que cela ne réveille autre chose... de la curiosité ?

« C'est normal, cette école est ma maison, et ceux qui y vivent sont ma famille. Tu lui souris, brièvement. Si vous avez besoin de moi, ou des questions, je suis là. Tes yeux glissent sur la montre que tu portes au poignet. Il est l'heure du repas. Voulez-vous vous joindre à moi ? »

On my way

feat @Alecto J. Hansen

Tes épaules sont droites. Certains diraient raides, tendues, mais toi, Phaos, tu sais simplement que contrairement à énormément des hommes qui passent dans ces couloirs, tu te tiens droit et tu supportes sans rechigner le poids de ta vie et de tes devoirs. C'est peut-être en cela que tu donnes toujours une si forte impression, une si mauvaise impression. Pourtant, aujourd'hui, cela t'ennuie que l'on puisse croire cela de toi. Non... qu'elle puisse croire cela de toi.

« Parfait, je vous en remercie. »

Tu lui souris, en réponse au sien. Et pendant un instant, tu remarques bien combien elle semble lumineuse et solaire quand ses lèvres s'étirent, et combien tu n'es qu'une fade réplique à ton tour. Tu finis par préférer l'interroger sur ses études, le regard perçant, probablement cherchant à remettre son visage parmis les milliers qui sont passés mais non. Rien. Tu n'as pas le temps de connaître tous les élèves, quand bien même tu aimerais. Skia est probablement plus douée que toi pour se créer des relations avec eux, en plus.

« C'est ce que je me disais. Le fer, donc. Ta tête se penche sur le côté, alors que tu l'observes sans ciller. Etrangement, cela vous va bien. Etrangement, oui, parce que  ceux de cette maison ne sont pas les plus aimés de l'école, mais sur le coup, tu t'en fiches. Avez-vous aimez vos études à Khogarts ? »

Cette question fait souvent partie de ton esprit, mais tu ne t'autorise que bien peut à la formulée. Toi-même, tu n'as jamais été étudiant de cette création que vous avez fait, ta soeur et toi, mais tu aimerais parfois l'être pour savoir ce que tu dois encore améliorer pour en faire un endroit supérieur. Probablement commencé par les Inaptes, oui, mais ensuite ?

Tu finis par sortir de tes songes en consultant ta montre. Un léger sourire étire le coin droit de tes lèvres et tu finis par accompagner la jeune femme hors de ses lieux. Avec une extrême politesse, tu lui tiens la porte ouverte, avant de la laisser fermer à clé et tu te remets en route, à son rythme, les yeux surveillant les couloirs.

« Très bien, si ce n'est quelques petits malins qui se sont dit qu'ils pouvaient tester ma patience ou ma connaissance de ces lieux. Rien de très inhabituels, et une fois qu'ils seront habitué à ma manière de fonctionner, le calme régnera dans mes cours... comme toujours. »

Tu réponds sincèrement, sans même voir l'image que tu pourrais laisser comprendre entre tes mots. En arrivant à la salle principale, tu viens à nouveau lui tenir la porte, avant de t'intéresser à elle.

« Vous vivez ici, à Fallhollow ou vous avez pu visiter un peu le Monde qui nous entoure ? Si Skia t'entend être si curieux, tu es bon pour la voir venir te poser des questions dès ce soir...  »